Livre 4, chap. 2 - Frollo : Le portrait
biographique et intellectuel (Séance 5)
« En effet, Claude Frollo
n’était pas un personnage vulgaire.
Il appartenait à une de ces
familles moyennes qu’on appelait indifféremment, dans le langage impertinent du
siècle dernier, haute bourgeoisie ou petite noblesse. Cette famille avait
hérité des frères Paclet le fief de Tirechappe, qui relevait de l’évêque de
Paris, et dont les vingt-une maisons avaient été au treizième siècle l’objet de
tant de plaidoiries par-devant l’official. Comme possesseur de ce fief Claude
Frollo était un des sept vingt-un seigneurs prétendant censive dans
Paris et ses faubourgs ; et l’on a pu voir longtemps son nom inscrit en
cette qualité, entre l’hôtel de Tancarville, appartenant à maître François Le
Rez, et le collège de Tours, dans le cartulaire déposé à Saint-Martin des
Champs.
Claude Frollo avait été destiné
dès l’enfance par ses parents à l’état ecclésiastique. On lui avait appris à
lire dans du latin. Il avait été élevé à baisser les yeux et à parler bas. Tout
enfant, son père l’avait cloîtré au collège de Torchi en l’Université. C’est là
qu’il avait grandi, sur le missel et le Lexicon.
C’était d’ailleurs un enfant
triste, grave, sérieux, qui étudiait ardemment et apprenait vite. Il ne jetait
pas grand cri dans les récréations, se mêlait peu aux bacchanales de la rue du
Fouarre, ne savait ce que c’était que dare alapas et capillos laniare[1], et n’avait fait
aucune figure dans cette mutinerie de 1463 que les annalistes enregistrent
gravement sous le titre de : « Sixième trouble de
l’Université ». Il lui arrivait rarement de railler les pauvres écoliers
de Montagu pour les cappettes dont ils tiraient leur nom, ou
les boursiers du Collège de Dormans pour leur tonsure rase et leur surtout tri-parti
de drap pers, bleu et violet, azurini coloris et bruni[2], comme dit la
charte du cardinal des Quatre-Couronnes.
En revanche, il était assidu aux
grandes et petites écoles de la rue Saint-Jean-de-Beauvais. Le premier écolier
que l’abbé de Saint-Pierre de Val, au moment de commencer sa lecture de droit
canon, apercevait toujours collé vis-à-vis de sa chaire à un pilier de l’école
Saint-Vendregesile, c’était Claude Frollo, armé de son écritoire de corne,
mâchant sa plume, griffonnant sur son genou usé, et, l’hiver, soufflant dans
ses doigts. Le premier auditeur que messire Miles d’Isliers, docteur en décret,
voyait arriver chaque lundi matin, tout essoufflé, à l’ouverture des portes de
l’école du Chef-Saint-Denis, c’était Claude Frollo. Aussi, à seize ans, le
jeune clerc eût pu tenir tête, en théologie mystique, à un père de
l’église ; en théologie canonique, à un père des conciles ; en
théologie scolastique, à un docteur de Sorbonne. »
Exercice 1
1) D’après vous, quel(s) élément(s)
différencie(nt) ce portrait de ceux étudiés précédemment (ceux de Quasimodo et
Esméralda) ?
2) A vos yeux, quel est l’élément dominant du
portrait ?
3) Selon vous, quel type de focalisation (ou
point de vue) est utilisé dans ce portrait ? Justifiez votre réponse.
4) Décrivez en quelques mots la ou les
information(s) nouvelle(s) qu’apporte chaque paragraphe.
5) D’après vous, ce personnage est-il décrit
positivement ou négativement ? Quel est le rapport de Claude Frollo à
l’étude ? A quel type d’avenir semble-t-il voué ?
6) Est-ce que le personnage à l’âge mur
suivra les attentes que fait naître ce portrait?
Exercice 2
Par
groupe de deux, en vous inspirant de la manière dont est construit ce portrait
vous ferez, vous aussi, le portrait biographique d’une personne célèbre (réelle
ou inventée) douée dans son enfance ou sa jeunesse et qui finalement décevra
les espoirs mis en lui. L’un décrira la personne dans sa jeunesse et l’autre
dans son âge mur.