Notre-Dame de Paris, un "personnage" du roman
Histoire de l’Art : les grands styles architecturaux
de l’Europe
« Les
grands édifices, comme les grandes montagnes, sont l’ouvrage des siècles.
Souvent l’art se transforme qu’ils pendent encore ; pendent opera
interrupta ; ils se continuent paisiblement selon l’art transformé.
L’art nouveau prend le monument où il le trouve, s’y incruste, se l’assimile,
le développe à sa fantaisie et l’achève s’il peut. La chose s’accomplit sans
trouble, sans effort, sans réaction, suivant une loi naturelle et tranquille.
C’est une greffe qui survient, une sève qui circule, une végétation qui
reprend. Certes, il y a matière à bien gros livres, et souvent histoire
universelle de l’humanité, dans ces soudures successives de plusieurs arts à
plusieurs hauteurs sur le même monument. L’homme, l’artiste, l’individu
s’effacent sur ces grandes masses sans nom d’auteur ; l’intelligence
humaine s’y résume et s’y totalise. Le temps est l’architecte, le peuple est le
maçon.
À
n’envisager ici que l’architecture européenne chrétienne, cette sœur puînée des
grandes maçonneries de l’Orient, elle apparaît aux yeux comme une immense
formation divisée en trois zones bien tranchées qui se superposent : la
zone romane, la zone gothique, la zone de la renaissance, que nous appellerions
volontiers gréco-romaine. La couche romane, qui est la plus ancienne et la plus
profonde, est occupée par le plein cintre, qui reparaît porté par la colonne
grecque dans la couche moderne et supérieure de la renaissance. L’ogive est
entre deux. Les édifices qui appartiennent exclusivement à l’une de ces trois
couches sont parfaitement distincts, uns et complets. C’est l’abbaye de
Jumièges, c’est la cathédrale de Reims, c’est Sainte-Croix d’Orléans. Mais les
trois zones se mêlent et s’amalgament par les bords, comme les couleurs dans le
spectre solaire. De là les monuments complexes, les édifices de nuance et de
transition. L’un est roman par les pieds, gothique au milieu, gréco-romain par
la tête. C’est qu’on a mis six cents ans à le bâtir. Cette variété est rare. Le
donjon d’Étampes en est un échantillon. Mais les monuments de deux formations
sont plus fréquents. C’est Notre-Dame de Paris, édifice ogival, qui s’enfonce
par ses premiers piliers dans cette zone romane où sont plongés le portail de
Saint-Denis et la nef de Saint-Germain-des-Prés. C’est la charmante salle
capitulaire demi-gothique de Bocherville à laquelle la couche romane vient
jusqu’à mi-corps. C’est la cathédrale de Rouen qui serait entièrement gothique
si elle ne baignait pas l’extrémité de sa flèche centrale dans la zone de la Renaissance. »
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